Le brame de la limace
Il est bien dommage... que l’on ne parle pas assez du brame de la limace, tout aussi important que celui d’autres bêtes à cornes...
D’autant plus que la limace est issue — au moins étymologiquement — du limon, cette terre charriée et déposée par le fleuve.
Les ligériens, plus que tout autre, devraient y apporter une attention particulière.
Or, on constate un dégoût fréquent pour cet animal.
Est-ce à cause de son apparence obscène, dénudée et flasque, qui tranche avec la coquille pudique de l’escargot, toute ronde et civilisée ?
Ou est-ce parce qu’elle incarne le visqueux en mouvement ?
En effet, d’un corps déjà visqueux, elle a en outre besoin de produire du mucus pour se déplacer.
« Le visqueux est alors compénétration (...) », et « (...) l’image postule une sorte de visqueux en soi, d’un visqueux qui se prend à son propre piège, du visqueux qui se marie à soi-même (..) »
Gaston Bachelard, La terre et les rêveries du la volonté, I, 5
(Librairie José Corti, 1947, 1996, p. 125)
Cette analyse, empruntée à Bachelard (qui, d’après mes souvenirs, ne parle pas de la limace), me met sur la voie de l’origine éventuelle de cette répulsion : glissant sur le sol dont elle semble être une excroissance, la limace se mêle intimement à elle-même, en une viscosité redoublée, puisqu’elle est hermaphrodite.
C’est donc à un lent brame gluant que l’on a affaire, bien loin des cris et des chocs des cerfs...