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Le Bois de Dendropogon
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10 février 2007

L'ordre de Narnia

Dans la continuité de la précédente lettre, C.S. Lewis précise le « sens profond » des histoires de Narnia.

Lettre à Anne Jenkins1, du 5 mars 1961

[CL III, 1244-1245]

            Chère Anne,

            Ce qu’Aslan voulait dire lorsqu’il déclarait être mort est, en un sens, suffisant en soi. Lis un des précédents livres de la série, intitulé L’Armoire magique [The Lion, the Witch and the Wardrobe], et tu découvriras le récit complet de la façon dont il a été tué par la Sorcière Blanche pour revenir ensuite à la vie. Quand tu auras lu cela, je pense que tu verras probablement qu’il y a un sens plus profond derrière cela.

            L’histoire entière de Narnia parle du Christ. En fait, je m’étais demandé ceci : « En supposant qu’il ait vraiment existé un monde tel que Narnia, et qu’il ait pris (comme le nôtre) une mauvaise tournure, en supposant également que le Christ veuille venir dans ce monde pour le sauver (comme Il l’a fait pour le nôtre), qu’aurait-il pu se passer ? »

            Ces histoires sont ma réponse. Puisque Narnia est un monde d’Animaux parlants, je pensais qu’Il y serait devenu un Animal parlant, de même qu’il s’est fait Homme ici. Je l’ai dépeint en lion parce que : a) le lion est considéré comme le Roi des animaux ; b) le Christ est appelé le « Lion de Juda » dans la Bible2 ; c) j’avais eu d’étranges rêves à propos de lions lorsque je commençais à écrire les livres. La série entière se combine ainsi :

            Le Neveu du Magicien [The Magician’s Nephew] parle de la création et de la façon dont le mal est entré dans Narnia.

            L’Armoire magique [The Lion etc.] parle de la Crucifixion et de la Résurrection.

            Le Prince Caspian [Prince Caspian] parle de la restauration de la vraie religion après une corruption.

            Le Cheval et son écuyer [The Horse and his Boy] parle de l’appel et de la conversion d’un païen.

            L’Odyssée du Passeur d’Aurore [The Voyage of the Dawn Treader] parle de la vie spirituelle (en particulier pour Reepicheep3).

            Le Fauteuil d’argent [The Silver Chair] parle de la guerre constante contre les forces des ténèbres.

            La Dernière Bataille [The Last Battle] parle de la venue de l’Antéchrist (le Singe), de la fin du monde et du Jugement Dernier.

            Est-ce clair ?

            Bien amicalement,

            C.S. Lewis

______________

Destinataire :

            Anne Jenkins (née Anne Waller, en 1950) faisait partie de ces jeunes lecteurs de Narnia, qui écrivaient à C.S. Lewis et auxquels il prenait le temps de répondre.

note 1 : Dans sa lettre du 27 décembre 2004 à Walter Hooper, [Anne Jenkins] expliquait pourquoi elle avait écrit à Lewis : « J’étais en train de lire Le Fauteuil d’argent [The Silver Chair]. À la fin lorsque le Prince Caspian mort, revient à la vie, Eustache demande : « n’est-il pas... euh... mort ? » « Si, répondit le Lion (...). Il est mort. Comme la plupart des gens, tu sais. Même moi, cela m’est arrivé. Il y a très peu de gens qui ne sont jamais morts » [Le Fauteuil d’argent, chap. XVI ; trad. fr. de Philippe Morgaut, Folio Junior, 2002, p. 252]. Je voulais savoir ce qu’Aslan entendait par le fait que la plupart des gens étaient morts. Je savais déjà qu’Aslan avait connu la mort. J’ai d’abord interrogé mes parents, et ils m’ont suggéré d’écrire à l’auteur pour le lui demander. Je ne vois pas comment cela pourrait signifier autre chose que le fait que la plupart des gens qui ont vécu depuis Adam sont morts. Je pensais qu’il faisait référence à ceux qui sont encore en vie actuellement. Quand même, j’étais aux anges de recevoir une lettre de C.S. Lewis et bien qu’il n’eût pas répondu à ma question, il avait répondu à de nombreuses autres ! » [N.D.E.]

note 2 : Apocalypse 5, 5. [N.D.E.]

note 3 : La version française adapte le nom de cette Souris parlante en donnant « Ripitchip ».

______________

            L’ordre dans lequel C.S. Lewis présente la série est particulier, car il ne correspond ni à la chronologie externe de la publication (A), ni à celle des événements au sein de l’histoire (B).

            Je les rappelle ici, pour information :

A. Chronologie (externe) de la publication :
- The Lion, the Witch and the Wardrobe (1950)
- Prince Caspian (1951)
- The Voyage of  the Dawn Treader (1952)
- The Silver Chair (1953)
- The Horse and his Boy (1954)
- The Magician’s Nephew (1955)
- The Last Battle (1956)

B. Chronologie (interne) de l’histoire :
- The Magician’s Nephew (1955)
- The Lion, the Witch and the Wardrobe (1950)
- The Horse and his Boy (1954)
- Prince Caspian (1951)
- The Voyage of  the Dawn Treader (1952)
- The Silver Chair (1953)
- The Last Battle (1956)

            Quitte à choisir, Lewis préférait que les livres soient lus dans l’ordre chronologique interne de l’histoire [voir par exemple CL III, 847-848, n. 43].


            
Lewis a-t-il alors tout simplement interverti par inadvertance dans cette lettre Le Cheval et son écuyer et Le Prince Caspian, au sein de l’ordre chronologique interne (B) ? Ou doit-on y voir un troisième ordre, « plus profond », qui serait théologique, cette fois-ci ? Je n’en sais rien, c’est à travailler...

            De toute façon, quand bien même ce serait le cas, il ne faudrait pas le surdéterminer puisque cet ordre ne serait que rétrospectif — Lewis n’ayant pas eu une telle vision d’ensemble au début de la rédaction (voir Irène Fernandez, C.S. Lewis – Mythe, raison ardente, Genève, Ad Solem Éditions, 2005, p. 307-311).

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