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Le Bois de Dendropogon
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26 septembre 2006

Faire œuvre de lecture

Le passage de Bachelard que je citais hier s’ouvre sur un principe de lecture, à la fois enthousiasmant et pressant par la force qu’il réclame :

            « Que nous conseille l’attitude phénoménologique ? Elle nous demande d’instituer en nous un orgueil de lecture qui nous donnerait l’illusion de participer au travail même du créateur de livre. Une telle attitude ne peut guère se prendre en première lecture. La première lecture garde trop de passivité. Le lecteur y est encore un peu un enfant, un enfant que la lecture distrait. Mais tout bon livre à peine achevé doit être immédiatement relu. Après l’esquisse qu’est la première lecture, vient l’œuvre de lecture. Il faut alors connaître le problème de l’auteur. La lecture seconde, troisième..., nous apprend peu à peu la solution de ce problème. Insensiblement, nous nous donnons l’illusion que problème et solution sont les nôtres. Cette nuance psychologique : « Nous aurions dû écrire cela », nous pose phénoménologue de la lecture. Tant que nous n’accédons pas à cette nuance, nous restons psychologue ou psychanalyste. »

Gaston Bachelard, La poétique de l’espace, chap. I, § 5
(Paris, PUF, Quadrige, 2001, p. 38)

Cet orgueil n’est pas incompatible avec l’humilité du lecteur face aux grands textes qui le convoquent, où l’on doit — comme le dit C.S. Lewis — s’abandonner soi-même pour mieux les recevoir.

Cet abandon, en effet, n’est pas passif : il permet d’entrer dans l’œuvre, dépouillé de ses préjugés, pour en saisir la saveur.

Il s’agit donc ensuite de jouer le jeu de la création, en pleine responsabilité.

Ce principe de lecture en appelle bien d’autres, et l’on pourrait citer un grand nombre d’extraits de l’Expérience de critique littéraire de C.S. Lewis.

Je m’en tiendrais à un seul :

            « (...) ceux qui lisent de grandes œuvres, les liront dix, vingt ou trente fois au cours de leur existence. »

C.S. Lewis, Expérience de critique littéraire, chap. I
(Paris, Gallimard, NRF, trad. fr. de J. Autret, 1965, p. 9)

J’en suis loin, pour la plupart.

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Commentaires
F
Nous le connaissons, ce principe de relecture. Dès l’enfance, quand nous demandions inlassablement que chaque jour, le même livre nous soit relu, pour nous imprégner des images qui se créaient dans notre tête, c’était déjà une forme de relecture qui nous été librement consenti par l’adulte. Aujourd’hui adulte, ne nous privons pas de ces moments de reconnaissance de l’oeuvre.
S
A chaque relecture, on ne relit jamais de la même manière, sinon, ce ne serait pas faire oeuvre de lecture. Relire, c'est aussi, je pense, sélectionner des passages et s'abstenir d'autres. <br /> <br /> Un peu comme on ne visite pas un musée de la même manière selon qu'on s'y rend pour la première fois ou pour la 10ème. Ainsi, je sais qu'à chaque fois que je retournerai au Musée d'Orsay, je me devrai de rendre hommage aux deux salles consacrées aux pastels de Degas, sans me sentir tenu par quelque autre allégeance. <br /> De même, il y a quelques poèmes qui s'imposent à chaque fois que j'ouvre le recueil A la Lisière du Temps de Claude Roy. <br /> <br /> Un peu comme certaines traces dans les bois traversés deviennent sentiers à force de passage répétés. La forêt garde son mystère tout en accueillant les marques de nos excursions.<br /> <br /> De même que les oeuvres qui méritent d'être appelées grandes correspondent à une sélection des livres que nous avons lu, parmi ces grandes oeuvres, s'imposent également de grandes pages. Ce sont celles-là, toi comme moi, à défaut d'être des monstres de (re)lecture comme C S Lewis, que nous avons lu jusqu'à trente reprises, et certainement plus parfois. <br /> Tout ceci n'étant rendu physiquement possible que parce que leur nombre est inversement proportionnel au nombre de relectures.
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